La première règle de l’échec est : on ne parle pas d’échec. La deuxième règle de l’échec est : on NE PARLE PAS d’échec.

Le mot ÉCHEC est toujours chargé de jugement, bien qu’il soit admis qu’il est nécessaire pour l’innovation, l’apprentissage et la réussite. Sans échouer, comment pouvez-vous apprendre ? Une culture qui pénalise l’échec est-elle une culture qui va savoir s’adapter ?

Debbie et moi-même pensons qu’il est totalement déraisonnable pour les entreprises et les dirigeants de s’attendre à un succès à 100 % chaque fois qu’ils essaient quelque chose de nouveau. C’est comme demander à un enfant d’être capable d’écrire parfaitement à l’âge de 2 ans, ce qui est irréaliste et risque de causer une immense frustration à toutes les personnes concernées !

Alors, comment mettre en place un environnement dans lequel l’accent est mis sur l’apprentissage des erreurs plutôt que sur les échecs ?

C’est beaucoup plus délicat que vous ne le pensez… Les humains ont tendance à se concentrer sur le négatif (notamment en raison de nos biais cognitifs) : il est donc beaucoup plus facile de mettre en avant un échec qui est évident pour tous, plutôt que son apprentissage qui est souvent personnel ou au sein d’une équipe.

Il faut donc une culture qui permet, accepte et valorise l’échec. : si vous ne faites pas d’erreurs, c’est que vous ne faites pas assez d’efforts.

« Si vous ne faites pas d’erreurs, vous n’essayez pas assez fort ».

Après tout, qui a vendu plus de 400 millions de livres et est aujourd’hui considérée comme l’auteur féminin avec le plus de succès au Royaume-Uni, après avoir vu son script rejeté par 12 maisons d’édition en 1995 ?*

Qui a essuyé 5’126 échecs avant de résoudre les pertes d’aspiration de son aspirateur et de peser 3.6 milliards de francs ?**

Ou encore, qui a mis 7 ans, après avoir fondé sa société, pour développer le révolutionnaire Windows 3.1 ?***

Il y a un retour sur l’échec, mais les résultats peuvent être subtils et à plus long terme qu’espéré. C’est dans cet esprit que nous avons réfléchi à l’année 2020, une année qui a été exceptionnelle à bien des égards.

L’échec de Katia (ooppss… son apprentissage)

J’ai fondé ma société (KGC) début 2018 pour structurer mes activités de conseils et de formations. Logique en tant que fille et nièce d’entrepreneurs ? Pas tant que ça en fait… En Septembre 2019, j’ai donc pris le taureau par les cornes et je me suis faite accompagnée par un coach afin de clarifier un angle d’attaque pour améliorer ma visibilité et pérenniser ma petite entreprise. Et hop : j’ai tourné une vidéo, lancé un site internet fin février 2020 (pour les 2 ans de KGC) et défini de solides actions de communication basées sur les contacts en personne qui me sont chers. Sauf que mi-mars 2020, la Suisse a imposé un confinement et donc un ralentissement brutal à son économie (RHT, télé-travail, interdiction de rassemblement, formations à distance…). Par effet ricochet, ma stratégie a été mise sur pause du jour au lendemain.

Moralité de l’histoire ?

  • Ne rien forcer, tout ce qui doit arriver arrivera.
  • Acheter un punching-ball pour se défouler.
  • Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
  • Toujours avoir un plan B en stock, pour rebondir de suite et donc gagner du temps.
  • Utiliser un outil de planification afin de jouer avec le temps, plutôt que le subir.

L’apprentissage de Debbie (enfin… son échec)

L’année dernière était censée être la meilleure de ma vie jusqu’à présent. Nous avions prévu notre mariage en Afrique du Sud en avril, une petite pause en Turquie avant que la folie ne commence, et j’avais sept mois de projets qui s’enchainaient parfaitement à la suite de notre mariage. Cela aurait dû être une troisième année fantastique en tant qu’indépendante. Et puis mon monde s’est arrêté le 13 mars 2020. J’ai dû me précipiter pour reporter et re-planifier le mariage, courir après les bons d’achats et les remboursements, et j’ai vu chaque projet professionnel tomber lentement comme un domino lorsque les entreprises ont soudainement réalisé l’impact que la Covid-19 allait avoir sur elles.

Moralité de l’histoire ?

  • Les choses ne restent pas les mêmes parce que vous vous attendez à ce qu’elles le restent – les meilleurs plans ne sont rien sans un plan B.
  • Il est très difficile de se faire entendre lorsque les gens paniquent.
  • La valeur ajoutée prend un sens très différent lorsque les entreprises luttent pour leur survie et reviennent à l’essentiel.
  • Surchargez votre pipeline de travail en tant qu’indépendant (bien que cela puisse se retourner contre vous de façon spectaculaire en période de calme… !)

La Suisse et son projet de 6 drones Hermes

En 2015, la Suisse a commandé 6 drones israéliens d’une valeur de 250 millions de francs pour patrouiller aux frontières. Et pourtant, 6 ans après, on ignore encore quand leurs missions sur le territoire helvétique – prévues pour cette année – pourront démarrer. En été 2023 ? L’achat sera-t-il annulé ? Ce qui est sûr, c’est que les gardes-frontières doivent utiliser des hélicoptères – plus coûteux et moins agiles – pour leurs opérations de surveillance en attendant la réception de ces drones.

Comment en est-on arrivé là ? La pandémie ? La malchance ? Les problèmes techniques ? Les problèmes de communication entre les nombreux acteurs concernés ? Comme souvent, la multiplication des facteurs forme un bel imbroglio dont il est difficile de tirer des conclusions cohérentes et pertinentes, encore plus dans le feu de l’action. Le Brésil, le Chili, la Colombie, Le Mexique et l’Union Européenne ont-ils fait face aux mêmes difficultés lors de leurs commandes de drones de la même famille ?

Moralité de l’histoire ?

  • Tous les projets engendrent des incertitudes et des risques, certains étant plus prévisibles que d’autres.
  • Un risque qui se matérialise a toujours un impact sur le budget et/ou les délais du projet.

Une PME et sa chaîne d’approvisionnement Lean

Lors du premier confinement, nous avons été en contact avec une PME active dans le domaine des équipements culturels et évènementiels haut de gamme. A ce moment-là, plus aucune livraison de la Chine n’arrivait, des régions entières étaient terrassées par le virus, les stocks (de matières premières et de produits finis) étaient vides, et le secteur évènementiel & culturel était à genoux dans le monde. Cette PME était donc à l’arrêt forcé.

Comment en est-on arrivé là – outre la pandémie et la fermeture des frontières ? Cette société avait au fil des années fait la chasse aux gaspillages et appliqué les bonnes pratiques du Lean Management : réduction / élimination des gaspillages, stratégie de juste à temps, centres de compétences uniques pour la production des composants de base (en Chine) et de l’assemblage (en Suisse), concentration sur quelques gros clients (aux Etats-Unis)…

Moralité de l’histoire ?

  • Ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier.
  • Même si le Lean Management apporte des bénéfices non négligeables et a permis à certaines sociétés de maintenir leurs opérations en Suisse, un équilibre est à trouver entre l’optimisation de la chaîne d’approvisionnement et le plan de continuité des activités (avec les réserves et les plans B) pour absorber les aléas.

Le NHS (National Health Service) britannique et les équipements de protection individuelle

Lors de la première fermeture au Royaume-Uni, le NHS a rapidement tiré la sonnette d’alarme sur le manque d’équipements de protection individuelle (EPI), en prévision de l’augmentation prévue des cas d’hospitalisation. Le gouvernement britannique s’est donc empressé de commander 400’000 blouses en Turquie, en utilisant la Royal Air Force pour les faire venir par avion, les frontières internationales étant déjà fermées.

Dans les deux semaines qui ont suivi la livraison, il est apparu que seul 10% de la commande était arrivés, et que les blouses avaient été séquestrées car elles ne répondaient pas aux normes de sécurité et/ou de qualité britanniques. En fait, elles provenaient d’un fournisseur privé et non du gouvernement turc. Le reste des blouses fournies par le gouvernement turc a été autorisé à être utilisé dès leur arrivée, soit 90% de la commande. Il n’est toujours pas clair si le gouvernement britannique a pu renvoyer la cargaison défectueuse et obtenir un remboursement…

Moralité de l’histoire ?

  • Si c’est trop beau pour être vrai, c’est sûrement le cas.
  • Respecter vos normes même en temps de crise, car tout écart aura un impact sur votre marque. De nombreux trusts du NHS ne voulaient plus d’EPI turcs car cette première livraison ne convenait pas.

Tout cela soulève la question suivante : l’année 2020 a-t-elle amorcé la mort du Lean ?

A très vite !

Katia Gutknecht

* JK Rowling, la créatrice d’Harry Potter.

**Sir James Dyson, le créateur de l’aspirateur du même nom.

***Bill Gates.

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