Comment ?
Dans notre dernier article, nous avons expliqué ce qu’est le développement durable et en quoi consiste une supply chain responsable.
Passer de la théorie à la pratique n’est pas toujours évident, d’autant plus que les consommateurs s’intéressent de plus en plus à ce sujet. Une étude récente a montré qu’il y a à la fois de la confusion et du scepticisme autour des déclarations de durabilité affichées par les organisations. Plus de 70 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles ne croyaient pas que certaines marques étaient aussi respectueuses de l’environnement qu’elles le prétendaient et 56 % ont déclaré qu’elles trouvaient déroutantes les déclarations de durabilité faites par les organisations.
Comment les entreprises peuvent-elles définir, communiquer et démontrer leur approche du développement durable ?
Nous avons interrogé trois experts en développement durable, dotés d’une vaste expérience, afin de recueillir leurs points de vue sur la manière dont les entreprises peuvent y parvenir dans les trois piliers du développement durable (environnement, social et économique).
Les éléments clés
Quel que soit le secteur d’activité, les experts s’accordent à dire que l’organisation doit travailler sur les éléments suivants pour aborder le développement durable :
- Un état d’esprit et des comportements – un intérêt réel et authentique pour le développement durable, la transparence, l’ouverture à la modification du mode de fonctionnement de l’entreprise pour y parvenir, l’engagement envers les objectifs fixés et la volonté de collaborer en interne et en externe.
- Une vision et des objectifs audacieux – une vision claire et directe qui débouche sur des objectifs SMART (Spécifiques, Mesurables, Assignables, Réalistes et Limités dans le temps) pour stimuler la responsabilité et la créativité.
- Une mise en œuvre sérieuse – intégrer les objectifs et les récompenses dans toute l’organisation de manière transparente.
- Un rapport honnête – auditer les résultats pour que l’organisation puisse rendre des comptes.
Comment élaborer la vision et les objectifs ?
L’approche conventionnelle actuelle consiste à définir une stratégie ESG (Environnement, Social et Gouvernance) ou à établir des principes ESG.
- Établir une base de référence. Il est bon de commencer par une évaluation de la matérialité (materiality assessment) afin d’identifier les domaines sur lesquels se concentrer pour votre secteur et votre entreprise, et de définir votre base de référence. Selon le secteur d’activité, les objectifs spécifiques que vous fixerez varieront. Par exemple, dans le domaine de l’énergie, les émissions de carbone et l’utilisation de l’eau peuvent constituer une priorité ; dans le domaine de l’alimentation, il peut s’agir des droits de l’homme et de l’utilisation des terres.
- Fixer des objectifs SMART. Une fois que vous avez déterminé vos priorités, vous pouvez recueillir des informations auprès d’une myriade de ressources pour fixer des objectifs pertinents et significatifs : par exemple la Science Based Target Initiative pour le zéro carbone, la Fondation Ellen McArthur pour l’économie circulaire et le PNUD pour les droits de l’homme. Utilisez l’expertise interne et celle de vos fournisseurs partenaires.
- Formaliser l’engagement. Publier la stratégie / les principes et les bénéfices attendus.
Il faut aussi se rappeler que toutes les entreprises ayant un programme ESG n’agissent pas de manière responsable et que toutes les entreprises sans programme ESG n’agissent pas de manière irresponsable !
Exemples de bonnes pratiques
Plusieurs organisations ont montré l’exemple et réalisé des progrès significatifs en matière de développement durable :
- Barry Callebaut – amélioration de la traçabilité du cacao grâce à son programme Forever Chocolate.
- Mars – capable de fournir une chaîne d’approvisionnement en huile de palme sans déforestation grâce à son plan Palm Positive.
- SABMiller (désormais AB Inbev) – a travaillé avec des petits exploitants agricoles en Afrique pour établir un approvisionnement local de matières premières telles que le sorgho, favorisant ainsi le développement économique local.
- Sedex – une organisation qui adopte une approche pan-industrielle du partage de la conformité et de la mise en place de capacités de fournisseurs partagées, sans problèmes anticoncurrentiels ni collusion.
- Patagonia – récemment dans l’actualité pour la restructuration de son actionnariat au profit d’un trust environnemental, Patagonia s’est fixé pour objectif d’être neutre en carbone d’ici 2025, de s’approvisionner à 100 % en énergies renouvelables et d’augmenter son pourcentage de matériaux recyclés.
Opportunités pour les pratiques durables
Les experts s’accordent à dire qu’il y aura davantage de choses à voir dans ce domaine à court terme :
- La technologie apportera une plus grande transparence et peut contribuer à instaurer la confiance entre les acteurs de la chaîne de valeur. Elle est susceptible d’être un grand facilitateur de la transition verte.
- Les incitations économiques seront mises en avant, car ce sont souvent les consommateurs finaux et les gouvernements qui supportent l’effort et le coût des objectifs de durabilité.
- Le rythme auquel les objectifs sont atteints doit s’accélérer – l’implication de vos fournisseurs et de leurs fournisseurs contribuera à accélérer le processus.
Nous remercions sincèrement les experts pour leur temps, leur expertise et leurs idées :
- Raphaël Felenbok est un conseiller indépendant et membre du conseil d’administration travaillant sur les chaînes de valeur agroalimentaires, de l’approvisionnement en matières premières à la vente de spécialités.
- Michael Hewer est actuellement directeur de la durabilité des fournisseurs chez Johnson & Johnson, après avoir travaillé dans le domaine des achats pour Procter & Gamble, John Lewis et Hugo Boss.
- Tom Salisbury est actuellement directeur du développement durable chez GKN Automotive, après avoir travaillé dans ce domaine pour le groupe Vodafone, SABMiller et AB InBev.
Rendez-vous le mois prochain pour une plongée dans la traçabilité et ses bénéfices dans une supply chain responsable.
Katia Gutknecht