Aujourd’hui plus que jamais, prendre soin de nos partenaires fournisseurs et distributeurs est source de valeur et d’avantage concurrentiel. Exit donc la négociation traditionnelle, et bienvenue aux émotions, aux liens sincères, à l’écoute active et à la créativité.

Il existe beaucoup de méthodes de négociation, la plupart étant séquentielles et techniques. Mais quelle est la place donnée aux émotions et surtout aux vrais besoins dans ces méthodes ? Faible, la plupart du temps. Pourtant, la négociation est avant tout une affaire de relations interpersonnelles : alors, utiliser exclusivement ces méthodes peut être comparé à une voiture sans volant… C’est pourquoi la Communication NonViolente (ou CNV), outil au service de la relation, bénéficie à la négociation et donc aux accords qui en découlent.

Cet article va puiser dans des expériences terrain afin d’illustrer comment on peut facilement passer à côté des vrais besoins et négocier des accords qui ne sont pas mutuellement bénéfiques. Il proposera également quelques astuces afin d’éviter ces écueils.

Origines de la CNV

La CNV est un processus de communication développé dans les années 70 par Marshall Rosenberg, docteur en psychologie appliquée. Son désir était de renforcer notre capacité à améliorer notre relation à autrui et à résoudre les différends avec bienveillance.

Il a pour cela relevé que les jugements, le déni de responsabilité et les exigences sont des formes de communication qui détériorent la qualité des échanges. Par exemple, pensez-vous que la confiance et le respect soient privilégiés lorsqu’une multinationale impose une baisse des prix de 5% à son petit fournisseur, alors qu’elle sait que la marge de ce dernier est déjà réduite ? Pensez-vous que ce même fournisseur sera prêt à l’aider quelques mois plus tard lorsque ses confrères auront fait faillite et qu’elle sera désespérément à la recherche de capacités de production ? Dans cette situation réelle, le fournisseur a accepté d’aider, mais avec une hausse des prix non négociable de 25%… Œil pour œil, dent pour dent.

A l’inverse, le processus en 4 étapes de la CNV permet de garder un équilibre entre soi et l’autre, pour des échanges authentiques et constructifs :

  1. Observer les faits,
  2. Identifier les émotions,
  3. Exprimer les besoins,
  4. Faire des demandes spécifiques, concrètes et réalisables.

Lien entre CNV et négociation

Selon une étude menée par Harvard et le MIT, 95% des négociations échouent à cause de réactions émotionnelles négatives (que ce soit notre peur de demander, notre peur de perdre…). Les statistiques relèvent également qu’il faut 2,7 évènements positifs pour balancer 1 évènement négatif : pas étonnant que nous voulions éviter les pertes à tout prix…

La CNV est donc un outil au service de la négociation car elle accorde de la place à ce que qui n’est pas toujours admis (les émotions), conduit aux vrais besoins et permet d’assainir les échanges.

Top 3 des astuces concrètes

#1 – Comment trouver un accord satisfaisant si on ne connait pas ses besoins ou ceux de la partie adverse ? Par exemple, si vous avez un budget maximum qui semble inacceptable pour votre fournisseur, comment faire pour construire un accord satisfaisant ? En exigeant ? Ou en vous préparant en amont de la négociation, en explorant d’autres paramètres créateurs de valeur que le simple prix et en vous connectant sincèrement à l’autre ? Lors d’une négociation, le budget annuel de sous-traitance d’une PME était très limité et un seul fournisseur fiable avait été identifié. Par contre, elle avait d’autres cartes à jouer comme des termes de paiement très courts, une exclusivité sur les volumes et un contrat sur plusieurs années. Organiser une rencontre avec le représentant du fournisseur la veille de la négociation officielle pour un dîner a permis d’apprendre que sa société voulait en racheter une autre et avait donc besoin de stabilité pour que les banques la suivent, et aussi qu’un de ses nouveaux indicateurs de performance était la réduction des termes de paiement pour améliorer les liquidités. Grâce à quelques questions ouvertes, à une écoute active et à la reformulation, les contours d’un accord mutuellement bénéfique avaient été ébauchés. Vous pensez peut-être que c’est de la manipulation ? C’est plutôt de l’influence car l’intention était positive.

#2 – Comment trouver un accord satisfaisant si la personne en face de vous est – par exemple – en colère ? Imaginez que vous faites visiter votre usine à votre fournisseur (au fondateur en personne, qui a hérité de la société de son père) et que votre Responsable de la Production lui reproche de livrer constamment en retard et pas les quantités demandées : pensez-vous que la négociation qui s’en suit peut se dérouler dans de bonnes conditions ? Probablement pas, car votre fournisseur trouvera ces commentaires infondés et exprimera vivement sa désapprobation. Alors, que faites-vous ? La première demande car vous avez un contrat à boucler ? Ou bien vous prenez le temps de l’écouter, de reformuler ses propos pour pouvoir répondre de manière appropriée à ses émotions et besoins ? Planifier une analyse des faits pour isoler les retards dus à votre département Approvisionnements et ceux causés par le fournisseur pourrait permettre de démêler le vrai du faux et d’esquisser des solutions pertinentes…

#3 – Comment éviter les ping-pongs d’arguments enfermant dans des échanges non-productifs souvent générateurs d’émotions négatives ? Vous pouvez privilégier les propositions précises, fondées et réalistes. Rester ouvert à des suggestions de prime abord farfelues cultivera aussi le respect de l’autre et vous permettra peut-être de déboucher sur LA solution bénéfique pour tous. Après tout, une guerre a été gagnée en construisant en 21 jours un port artificiel à Arromanches (France), et un empire a été construit en lançant l’idée folle de produire un appareil 4 en 1 (téléphone, appareil photo, calendrier et walkman)…

Le mot de la fin

Alors que la menace du COVID plane encore sur nous, ne pensez-vous pas que soigner vos relations avec vos fournisseurs vous permettra de solidifier vos chaînes d’approvisionnement durablement ? Le Responsable Achats d’un établissement médicalisé a réussi à sécuriser ses approvisionnements en masques et gel hydroalcoolique à des prix justes, en pleine période de pénurie, grâce à ses bonnes relations avec ses partenaires et grâce aux principes de la CNV. Essayez et vous verrez quels en sont les bénéfices…

Katia Gutknecht

Article paru dans le magazine Procure d’octobre 2020, association professionnelle pour les achats et le supply management (www.procure.ch).

Ma check-list pour une négociation bienveillante, performante et durable :

  • Prenez le temps de vous préparer à 360º.
  • Définissez ce que vous voulez atteindre de manière simple, spécifique et évaluable.
  • Ne perdez jamais de vue vos besoins, ni la pérennité de la relation.
  • Connectez-vous sincèrement à votre interlocuteur et allez au-delà du simple brise-glace.
  • Faites 2 fois plus de propositions que d’argumentations.
  • Montrez de l’intérêt et du respect pour les opinions de votre interlocuteur, par exemple en reformulant.
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