Le mois passé, Debbie Brown et moi-même vous avons livré quelques explications afin de vous faire découvrir le design thinking, l’état d’esprit de la compréhension profonde initiale (par opposition à la course immédiate aux actions / solutions).

Ce mois-ci, nous avons donné la parole à une experte formatrice en design thinking afin qu’elle partage quelques-unes de ses pépites avec vous : Alexandra Karacsonyi.

Comment as-tu découvert le design thinking ?

« Il y a 8 ans, l’Université de Stanford était à la recherche de formateurs et a fait un appel à candidature parmi les alumni. J’ai été staffée sur le design thinking, mais sans vraiment connaître. Cependant, j’avais déjà 15 ans d’expérience dans le marketing et l’analyse des besoins clients à mon actif.

J’ai appris de manière rigoureuse auprès d’un professeur de Stanford et cela m’a permis de remplir les trous de mes 15 ans de marketing, d’aller au-delà de ce que je pensais être la bonne réponse et des focus groups biaisés, de plonger en profondeur dans les besoins clients.

J’ai immédiatement vu le potentiel de cette approche pour mes clients, et pour moi. »

« C’est logique mais personne ne le fait. »

Pourquoi le design thinking est important pour tout le monde ?

« On est trop axés solutions par notre société, notre éducation… Et nous avons ainsi 9 chances sur 10 de tomber à côté en mettant la charrue avant les bœufs. Cette analogie parle à tout le monde.

Le design thinking est une approche, un état d’esprit, plus qu’une méthode rigide. C’est une boîte à outils qui nous permet de répondre à la question suivante : que vit l’autre ? Mais elle requiert d’admettre que nous n’avons pas la science infuse : c’est pourquoi elle n’est pas toujours facile à appliquer et est souvent utilisée en parallèle avec des approches de gestion du changement.

Quelles sont les bonnes pratiques à garder en tête ?

  • « Même si cela peut sembler bizarre parfois, il faut garder un esprit complètement ouvert et aller à la recherche de ce qui est important pour le client : une remise en question – notamment des croyances existantes – peut donc parfois être nécessaire. Quoi qu’il en soit, il est déconseillé de déléguer une approche de design thinking car c’est à vos équipes et vous d’aller à la rencontre de vos clients, même si c’est inconfortable et/ou chronophage, pas à un externe.
  • La posture est également fondamentale : vouloir aider les clients. On va donc commencer avec la problématique que nous exprimons de notre point de vue, sans hésiter à faire évoluer les choses si les priorités des clients sont différentes. Flexibilité et agilité sont à privilégier. Par exemple, on va évoluer de on veut résoudre xyz à on veut aider nos clients.
  • Même s’il est déconseillé de déléguer l’exercice, il est difficile d’être juge et partie : prendre un facilitateur externe pour garantir la bonne application du processus du design thinking (comme le respect des bons principes ou le bon état d’esprit…, voir faire la police si nécessaire). En revanche, il n’est pas responsable du contenu.
  • Mieux vaut faire un peu que pas du tout. Si tout n’est pas bétonné au départ, ce n’est pas grave : si c’est important, vous retomberez dessus.
  • Le design thinking met l’humain au centre. Or, répondre aux besoins humains est parfois source d’inconfort car nous avons plus l’habitude de penser processus…
  • Chacun voit la réalité à travers son propre filtre (notamment dans une entreprise, entre départements) : il n’y a ni juste ni faux, juste différentes réalités. On privilégie donc les équipes multidisciplinaires en design thinking, mais non hiérarchiques: on laisse les titres dehors. Cela permet de découvrir la réalité des autres et de casser les silos. »

As-tu des exemples d’utilisation réussie (ou non) de cette approche ?

  • « En 2018, dans un contexte d’IT public, j’ai formé 45 employés au design thinking. La culture informatique étant très marquée (0 ou 1), avec peu de place pour émotions et empathie, le challenge était intéressant. L’approche a tellement raisonné pour 6 participants qu’ils se sont auto-proclamés ambassadeurs de la méthode en interne. On leur a laissé la place et ainsi permis une meilleure compréhension des besoins, un développement de solutions informatiques ciblé et donc une meilleure utilisation de l’argent public.
  • Dans une société de biens de consommation, en 2021, je suis intervenue alors qu’un produit était prêt à être lancé (les machines de production étaient déjà construites) après 3 ans de R&D. Cette société voulait checker 5 marchés européens avant le lancement. 100 interviews ont été réalisées au total. Une conclusion sans appel en est ressortie : il n’y avait pas de besoin pour ce produit-là. Un arrêt immédiat (même si tardif) a été décrété pour le projet afin de limiter la casse et d’économiser des millions.

  • Dans une administration publique, avec une structure assez rigide et des jeux politiques marqués, une approche tronquée a été décidée : on a imposé à l’équipe les personnes à interviewer et on leur a interdit d’aller vers la population (que ce soit pour des entretiens ou pour leur demander du feedback sur un prototype). Malgré la bonne volonté des personnes à coacher, on leur a coupé les ailes avant de démarrer, notamment à cause d’une croyance ancrée : on ne peut pas proposer un concept brouillon au client. Un tel blocage arrive aussi dans le privé : chercher l’apprentissage et l’enrichissement, se remettre en question sont des attitudes qui demandent beaucoup de sensibilisation, particulièrement en Suisse (par opposition à d’autres pays tels que les Etats-Unis). »

« Chercher l’apprentissage et l’enrichissement, se remettre en question sont des attitudes qui demandent beaucoup de sensibilisation. »

Si vous souhaitez en savoir plus sur cet outil puissant et ainsi tordre le cou aux 70% des projets qui échouent, n’hésitez pas à contacter Alexandra Karacsonyi ICI.

A bientôt pour un nouvel article !

Katia Gutknecht

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